Dans l’univers de ROUGE, trois pigments suffisent à déstabiliser les couleurs connues et nous entraînent dans une odyssée chromatique. Entourée de Sylvain Didou (contrebasse) et de Boris Louvet (batterie), la pianiste et compositrice Madeleine Cazenave déploie sa palette sonore sans jamais s’emmêler les pinceaux. On y retrouve ses influences résolument multicolores, puisqu’il y a quelque chose de Satie et de Ravel dans les accents classiques, symbolistes, et à l’autre bout du spectre, les tons chauds-froids de Tigran Hamasyan, E.S.T. ou Gogo Penguin. Les compositions partent souvent de motifs mélodiques simples, presque enfantins, qui sont ensuite développés.

Même lorsque les métriques sont tordues (et elles le sont souvent), les mélodies coulent de source, fluides et limpides. Le groove imparable du trio invite à la danse, mais une danse retenue, discrète, presque intérieure. On est pris dans une transe intime, la musique est véritablement hypnotique. On comprend soudain pourquoi la pianiste a intitulé son disque «Derrière les paupières». On ferme les yeux et on se laisse aller.

On en ressort éclaboussés de lumière, comme pour mieux contempler la montée lente d’un éblouissement, derrière nos paupières devenues transparentes, là où scintille l’océan ROUGE.